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[Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro - fini !

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fufu

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message21 Mai 2014, 11:40

Content de voir que tu continues. Toujours aussi bien, j'aime+ :D
Fan de Cancellara
Suivez mon récit Tour de France 2010 où suspense, émotion, passion rythme cette Grande Boucle : http://www.cyanide-studio.com/forumPCM/viewtopic.php?f=73&t=12797
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big boss guitare

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message21 Mai 2014, 20:17

Super récit, il est juste super, bravo !
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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message23 Mai 2014, 09:18

Merci à tous les deux !

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Journal intime de Seweryn Szymaszek

10 mars 2013
Le pacte avec Hilda


Un petit mot introductif sur les résultats des bisons en cette fin de rude hiver. Tomasz Marczynski, l’un de nos deux leaders, monte sur le podium (3ème) du GP La Marseillaise, remporte la dernière étape de la Vuelta a Mallorca et prend la 2nde place au général de la même épreuve. Maciej Bodnar, notre spécialiste de l’effort solitaire, gagne le CLM du Ronde van West Vlanderen mais il doit se contenter de la 2ème position au général. En bref, ces résultats honorables ne contrastent pas avec l’an passé, j’en conclus que la nouvelle potion magique de Bruyneel reste en phase expérimentale dans l’organisme du pauvre Jozef Golec. Jusqu’à quand ?

Pour ma part, je fus soulagé lorsque j’appris la panne de la mobylette de M. Vlad, le lendemain matin à l’aube après notre pacte. Malheureusement, devant son dépit, je pris mon portable et appelai mon ami Wolak, ancien néo-pro 2012 et désormais mécano de l’équipe Zubrowka. Redevable à vie envers moi, il répara l’engin en 5mn et conclut avec un clin d’œil : « Vlad, ta mobylette va péter le feu maintenant, j’ai même remplacé les amortisseurs, tu vas pouvoir taquiner Sew sur les pavés toute la journée ! ». Devant ma fureur contenue, il s’enfuît avec un rire moqueur en guise de salut.

Plusieurs jours de rude entrainement passèrent. J’aiguisai mon profil flahute pendant que mon dos souffrait le martyr de la canne de Vlad et mes oreilles de ses cris. Si bien que, la nuit, je ne rêvais pas d’Edyta, l’amour de mon enfance et voisine, me rendant visite nocturne, mais plutôt de Vlad en chanteur trash métal, égorgeant des poulets sur scène et slammant sur mes frêles épaules… Pourtant, en ce matin glacé de mars, la canne de mon entraineur frappait avec une telle rage qu’après une heure de souffrance, je m’arrêtai et me tournais vers son vieux visage dur : « M. Vlad, déjà que je dépense quasi tout mon salaire pour votre coaching quotidien –et ce n’est pas forcément une sinécure, mais en plus, vous me tapez deux fois plus fort que d’habitude ! Quelque chose ne va pas aujourd’hui ?... ».

Alors qu’il s’apprêtait à me gueuler de cet arrêt impromptu au milieu de la campagne, en levant son instrument de torture, il se ravisa et soupira : « Arf, Karolina sort avec Ryszard, cet alcoolique ! Elle m’a dit qu’il avait arrêté de boire mais je le vois bien, il reluque mes bouteilles quand il vient à la maison. Et puis, il est trop vieux pour elle, il a presque mon âge. » C’était faux, Ryszard avait à peine la quarantaine, il en fait presque 10 de plus avec l’habitude de la boisson, je ne l’avais pas remarqué, mais il est vrai que son teint s’améliorait ces derniers temps. Quant à Karolina, le vieil homme voyait toujours en elle la jeune fille et semblait ignorer qu’elle avait franchi la trentaine… Je lui expliquais mon point de vue : « Vous savez, je les trouve plutôt bien assorti, certes d’une étrange manière, mais il faut savoir lacher la bride parfois et être doux avec les jeunes… »

Même si je glissai ces derniers mots avec le timbre le plus suave possible, le vieux Vlad se réveilla en sursaut de ses réflexions et me lança : « Quoi ?! tu oses me dire comment traiter ma fille ?! tu vas tater de Hilda, tu vas voir un peu ! ». La seule mention du nom de sa femme et de sa canne me fit frémir. Poussant avec rage sur les pédales, je regrettai mon allusion un peu trop subtile, tandis que le vieux Vlad essorait la poignée de sa mobylette flambant neuve.

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Hilda…
Dernière édition par LeRat le 26 Mai 2014, 14:38, édité 1 fois au total.
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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message26 Mai 2014, 14:34

Journal intime de Seweryn Szymaszek

13 mars 2013
Les meilleurs leçons du manager LeRat


En hommage à l’immense et corpulent feu manager de Zubrowka, j’ai décidé de coucher sur papier les meilleurs conseils technico-philosophiques de M. LeRat.

Leçon # 2 : “Le fair-play, c’est un truc de looser. Arrête d’être gentil comme ça et rentre leur dans la tronche !”

1ère étape du Tour de Picardie 2012, je suis échappé avec 2 français, ça roule contre le vent, je souffre. Néanmoins, je fais l’effort de prendre de courts relais, pour le principe. Mais mes compagnons s’énervent, ils multiplient les gestes m’invitant à prendre la tête et m’invectivent lorsque je les abrite trop peu longtemps. Alors je m’épuise à faire ma part du job, sachant pertinemment que je lâcherai dans quelques dizaines de kilomètres.

Le manager de l’équipe monte à mon niveau, tout en faisant semblant de régler un problème technique, il me pousse quelques secondes et en profite pour m’engueuler : “Le fair-play, c’est un truc de looser. Arrête d’être gentil comme ça et rentre leur dans la tronche !”. Comme d’habitude, je ne suis pas certain de comprendre les énigmes de LeRat… De retour auprès de mes compagnons, je refuse un relais, puis 2, je baisse honteusement les yeux et secoue la tête lorsque les français s’énervent. Alors que je suis sur le point de refuser un 3ème relais, ma fierté finit par l’emporter, je pousse sur les pédales pour me porter en tête. J’entends mon manager m’enguirlander depuis sa voiture : « Arrête tout de suite ! tu emmerdes ces grenouilles ! ». Constatant mon obéissance, mes deux compagnons se mettent en colère à leur tour et, en me retournant, j’aperçois les voitures des trois managers se mettre côte à côte, s’éviter ou se suivre dans un étrange ballet, LeRat faisait semblant de ne parler ni français, ni anglais, esquivant ses collègues tel une anguille.

Tout à coup, les deux français m’attaquent ensemble sur une petite montée abritée par des arbres. Déjà que je bouillonnais intérieurement en raison des injonctions contradictoires de mon coach, de mes compagnons, de mes jambes et de mon cœur, l’enchainement de ces événements poussa ma colère à son paroxysme. « Ah non mes ptits gars, vous ne vous échapperez pas comme ça ! ». Je les rattrapais en quelques secondes et contre-attaquais au sommet de la bosse. Ils ne me reprirent pas. Finalement le peloton m’avala à 70km de l’arrivée. En vérité, ma contre-attaque se basait sur une réaction purement instinctive, complètement fatigué, je ne réfléchissais déjà plus, et j’avais tellement peur de la réaction des deux français que je fis le maximum pour qu’ils ne me rattrapent pas…

Arrivé avec près de 5mn de retard sur le peloton, le manager LeRat me félicita pour ma réaction : « Il faut savoir se faire respecter, le goth, c’est bien. Ta contre-attaque était stupide mais je ne t’en veux pas. Tu devrais te mettre en mode berserk plus souvent ! » Puis il s’éloigna en marmonnant dans sa barbe « Mmmhh, le goth berserk, j’aime bien ça… »

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Armonstrong, l’exemple parfait que la fierté peut être un moteur, mais aussi le modèle le plus éloigné du coureur que je souhaiterais devenir…
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GOGO71

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message01 Juin 2014, 21:15

Très bon récit, j'ai bien accroché :)
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Némo

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message02 Juin 2014, 01:41

Vraiment un très bon récit, qui change des formats habituels avec son côté romancé ! Je viens de le lire en intégralité en plus ou moins deux heures :)

Hâte de lire la suite !

Je sais que tu as dis que tu ne cherchais pas forcément les retours sur ton récit, mais je pense qu'il gagnerait à être plus connu en étant publié sur d'autres forums plus actifs que cya ! Et sans vouloir faire du bête racolage, si un jour il te viens l'envie de le poster ailleurs, saches que tu sera le bienvenue sur un forum comme PCM Village :) A bonne entendeur, et bonne continuation ;)
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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message03 Juin 2014, 09:39

Merci merci ! vraiment sympa !

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Journal intime de Seweryn Szymaszek

29 mars 2013
L’hiver ne fait pas le printemps


Depuis plusieurs semaines, une vague de froid perturbe les courses cyclistes européennes. Le Kuurne-Bruxelles-Kuurne, où je devais par exemple mener l’équipe Zubrowka avant mon éviction officieuse du groupe, fut tout simplement annulé. Une belle couche fraiche de neige recouvrait les routes belges, mon camarade Wladyslaw Kaszorowski, qui me remplaçait, raconta que les organisateurs furent contraints d’annuler à quelques minutes du départ car il faisait un froid à ne pas mettre un ours dehors.

Varsovie n’était pas épargnée par ces conditions extrêmes. Le vieux Vlad venait me réveiller à 6h tous les matins. 10mn d’un rapide petit déjeuner plus tard, éclairé par la petite lumière accroché à mon guidon et le phare timide de la mobylette de mon bourreau, je cravachais sur les routes gelées de la campagne polonaise. Les premières heures étaient purement épiques, le noir, le froid, le silence, la mobylette quelques dizaines de mètres derrière moi, je ne voyais les virages qu’au dernier moment, je devais rester vigilant chaque seconde, la route glissait, remonter vers le milieu surélevé d’une route pavée relevait davantage du patinage artistique que du cyclisme, je ne compte plus le nombre de mes pieds à terre pour éviter la chute… Le pire, c’est que le vieux Vlad devait vivre le même calvaire, avec 40 ans de plus au compteur.

Pourtant, lorsque le ciel se colorait timidement, la brume sur les champs s’élevait, la campagne reprenait vie peu à peu, nous nous arrêtions sur le bord de la route et nous permettions une petite pause de 15-20 minutes à admirer le nouveau jour sur nos corps fatigués. Côte à côte, fermant les yeux, respirant profondément, sans un mot pour perturber cet instant sublime, nous nous reposions.

Même si Vlad ne m’en dît rien, cet entrainement perfectionnait mes capacités à rester concentré pendant une course, ainsi que ma technique sur route. L’après-midi, après une sieste bien méritée, je me matais les courses du jour en streaming sur des sites web non autorisés : la victoire de Cancellara à l’E3, celle de Sagan à Gand-Wevelgem, Chavanel aux 3 jours, etc. Le lendemain matin de ces courses auxquelles j’aurais adoré participer, dans l’obscurité glaciale, je m’imaginais échappé avec Vanmarcke, chassé par les OPQS, attaqué par Boonen. Je fonçais seul et frustré sur les routes éteintes de ma région perdue, comme un mort de faim, en attendant des jours meilleurs.

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Matin froid d'un printemps naissant
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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message06 Juin 2014, 15:17

Journal intime de Seweryn Szymaszek

8 avril 2013
Le retour à la compétition (enfin presque…)


« Un coaching rude et personnalisé, c’est bien. Mais rien de tel que la compétition pour s’améliorer ! Gothboy, tu vas refaire des courses, en douce. Pas dans le circuit pro bien sûr, je vais t’inscrire à plusieurs épreuves amateurs de la région ». Vlad n’attendit même pas ma réponse, il tournait les talons et démarra avec sa mobylette pour rentrer chez lui après une matinée plus douce en ce début avril.

Le samedi suivant, il m’inscrît à une course vallonnée près de Varsovie à laquelle beaucoup de jeunes compétiteurs motivés participaient. A quelques minutes du départ, l’excitation ambiante me contagieait, j’avais hâte d’apprécier les résultats de mon entraînement intensif des dernières semaines et de comparer le nouveau Sew au jeune cycliste amateur que j’étais il y a un an et demi. Alors que j’observais avec impatience mes concurrents, je reconnus une silhouette familière, Jozef Golec participait à la course. Au moment d’appeler mon camarade néo-pro de Zubrowka d’à peine 18 ans, je tournai ma langue sept fois dans la bouche. J’avais en effet constaté que Jozef participait (à ses dépens ?) à des expériences sur de nouveaux produits dopants, le nouveau médecin des bisons le suivait de près, peut-être même se trouvait-il parmi les spectateurs. Il me sembla préférable que la direction de l’équipe ne connaisse pas mes activités cyclistes du moment, j’ajustais mes lunettes et ma casquette, puis me fondis bien à l’abri dans la foule.

Comme je n’avais pas roulé en peloton depuis plus de 6 mois, Vlad me demanda de ne pas m’échapper et de rester au chaud pendant les 3 premiers quarts de la course, alternant l’avant, le milieu et l’arrière à chaque tour de circuit. Malgré la stratégie de mon coach, je me sentais assez bien et décidai de me cacher aux avant-postes dans les 5 derniers tours de 15 kms. Visiblement, l’entrainement portait ses fruits car je passais l’unique bosse sans trop reculer, ce qui n’était pourtant pas ma spécialité. L’attaque de Jozef intervint à 50km de l’arrivée, je la pressentais et m’étais placé dans sa roue. Je le suivis en danseuse pendant 2mn, puis explosai littéralement, ne tenant pas le rythme infernal de mon jeune coéquipier. Ma fierté en prit un sale coup dans la caboche !... Quelques solides coureurs me rattrapèrent, je pus les suivre et les épauler dans leur tentative de rattraper Golec, nous étions bien organisés mais ne le revimes qu’une fois la ligne franchie. Mon groupe arriva 4 minutes après le jeune cobaye, il nous a mis 4 mn en 50 bornes, à 1 contre 10 ! Les nouveaux produits ont l’air diablement efficaces…

Plus tard, près du stand officiel, je vis un homme vomir ses tripes dans le bas côté. Seul, Jozef Golec avait l’air de souffrir le martyr, il se tordait dans tous les sens, se griffant la figure, la poitrine et le ventre. Je m’agenouillais et constatais son état. Malgré l’inactivité, son pouls ne ralentissait pas et battait une folle chamade, ses muscles étaient tétanisés et tremblants. Il me regarda et me souffla dans un moment de lucidité : « Sew, aide moi, je n’en peux plus… ».

« Ecartez-vous, laissez-le respirer bon sang, vous ne voyez pas qu’il a du mal à récupérer de son effort ! ». Lorsque le médecin de Zubrowka fendit la foule vers son cobaye, je crus que mon cœur s’arrêta, je m’éloignai discrètement, il ne m’avait pas reconnu. Avant de disparaitre définitivement, je l’entendis répondre à un officiel : « Non non, pas besoin d’ambulance, il… il déteste les hopitaux ! et puis un bon soda et ça passera, ne vous inquiétez pas ! ».

Je serrai la machoire en repensant à mon inertie de ces deux derniers mois. Je serrai les poings en me promettant de ne pas faire deux fois la même erreur. Je pris mon portable et appelai Sebastian Lenczewski, mon meilleur ami. Il va falloir agir pour sauver Jozef !

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Némo

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message07 Juin 2014, 22:11

Ca y est les effets secondaires de la potion magique commencent à se révélés pour se pauvre Golec :?

Sinon, bon chapitre encore une fois ! :)
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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message11 Juin 2014, 10:19

Journal intime de Seweryn Szymaszek

17 avril 2013
Les meilleurs leçons du manager LeRat


En hommage à l’immense et corpulent feu manager de Zubrowka, j’ai décidé de coucher sur papier les meilleurs conseils technico-philosophiques de M. LeRat.

Leçon # 3 : “ Tu souffres ? Chante ! ”

La quatrième étape de la Vuelta a Burgos 2012 sévît en pleine montagne et sous la chaleur torride d’un mois d’août ibérique. Malgré ma forme de l’époque, je peinais à me maintenir dans le gruppetto lors du 2ème col de la journée. Au delà, il restait 30kms de descente et de plat dans la vallée, suivis par la montée finale. La gueule ouverte à fureter la moindre trace d’humidité dans l’air, la poitrine découverte, les cheveux dégoulinant, j’indiquais aux rares spectateurs ma soif par un geste répété mille fois, ma quête d’eau fraîche faisait rire mes collègues retardataires, pas moi. C’était la première véritable course de montagne de ma vie, je souffrais terriblement.

Avant de remonter rejoindre les deux leaders des bisons, Kemar et Marczynski à l’avant, le manager LeRat ralentit à ma hauteur en remarquant mon manège. « Tu souffres le goth ? c’est bien, c’est bien, c’est ça le vélo, tu sais ! Si tu souffres, chantes, ça ira mieux. Allez, essaie de ne pas abandonner, à ce soir. » Il accéléra et disparut dans un nuage de poussière.

Stupide et obéissant, je chantonnais un air souffreteux improvisé. Composé non pas de mélodie, mais uniquement d’un vocable à base de douleur, d’insultes et de gémissements, l’exercice me fatigua rapidement, je finis par l’abandonner. Peu à peu, je rétrogradais au sein du gruppetto et commençais à perdre plusieurs mètres sur mes compagnons, l’espoir m’abandonnait. Je me retrouvais bientôt seul, sur ce col interminable et sous une chaleur écrasante. J’envisageais sérieusement de décevoir mon manager.

Peu à peu, seul écrasé dans la sierra, un rythme attira mon attention. Ma chaîne grinçait faiblement et mon pédalier émettait un petit clac en contrepoint. Je calais ma respiration sur ce rythme et me concentrais profondément à cette tâche. Mon pouls, affolé par le cagnard, lançait un beat techno à tendance hardcore. Une basse disco naissait lentement dans mon esprit, pendant qu’une guitare noisy punk salissait la partition de ses arpèges sauvages et secs. La voix puissante de Beth Ditto, chanteuse imposante de Gossip, introduisait calmement Heavy Cross. Lorsque la caisse claire claqua sur le refrain puissant, je me mis en danseuse et dodelinait de la tête sur cet air hypnotique, puis revins sur la selle lors des couplets reposants. La chanson dura près d’une heure.

Je rattrapais le gruppetto dans la vallée et, dynamité par l’hymne rock, le doublait sous le regard médusé de mes camarades retardataires lors de l’ultime ascension. Mes deux leaders, Marczynski et Kemar, arrivèrent au-delà de la 30ème place, difficile journée pour les bisons. Le manager LeRat faisait la tête près de la ligne, mais, m’observant être sur le point de rattraper mon ami néo-pro Sebastian Lenczewski, il s’inquiéta vivement : « T’as le regard dans le vide, le goth. Tu m’entends ? Seweryn !! ». Alors qu’il m’appela par mon prénom pour la 1ère fois, LeRat me lança un seau d’eau glacé. Le choc thermique me réveilla tout à coup de mon concert punk-rock imaginaire. « Ca va ? », s’enquit-il. Je lui souris : « La chanson était bien ! ».

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