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[Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro - fini !

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message15 Sep 2014, 20:43

lol génial!! juste c'est lequel le récit de deadisco??
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yojim

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message15 Sep 2014, 20:53

Cool l'histoire à l'air de plutôt bien se passer pour Seweryn.

Et voici le lien vers le récit de deadisco pour les curieux : viewtopic.php?f=73&t=4243 par contre c'est un gros morceau :lol:
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Némo

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message22 Sep 2014, 02:33

J'avais quelques chapitres en retard à lire, voilà qui est fait maintenant :)

Ton récit est toujours aussi bon :D C'est juste dommage qu'il ne puisse pas avoir l'audience qu'il pourrait mériter. ;)
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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message22 Sep 2014, 08:43

Merci !
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Journal intime de Seweryn Szymaszek

26 juillet 2013
Les vacances loin du tumulte


En plein Tour de France dominé par Froome et son équipe Sky, l’article de Pierre fit l’effet d’une bombe dans le peloton. Même si l’on commentait l’actualité avec prudence, on condamnait fermement les agissements suspectés de Bruyneel. Même L.A., tentant de sauver ce qui lui restait d’image, ironisa par un tweet : « Même les bisons ne sont pas aussi tétus que Johan, ce gars ne changera jamais… ». Les médias sollicitèrent le journaliste free-lance, je le remerciai intérieurement de ne jamais divulger ses sources.

Les médias polonais firent de l’affaire Zubrowka leur feuilleton de l’été. Pourtant Li Mei répétait sans cesse qu’il n’y avait pas d’affaire Zubrowka, mais uniquement une affaire Bruyneel ! Ce changement de positionnement de la firme fut confirmé par la mise à l’écart du manager et de son staff. Le parquet de Varsovie ouvrit une information judiciaire, Zubrowka se porta immédiatement partie civile. Li Mei nous demanda, comme l’an dernier, de finir la saison en autogestion. Bodnar assuma, comme l’an dernier, la coordination à merveille. Il convainquit la firme d’embaucher à nouveau l’entraineur Vlad et le médecin Ryszard. L’équipe tournait peu à peu la page Bruyneel avec soulagement.

Cependant, le harcèlement des médias locaux commençait à irriter notre intendante, c’est pourquoi elle demanda à l’ensemble des bisons de prendre des congés loin de Pologne pendant 10 jours. Je voyais les nouvelles de l’affaire Zubrowka dans le journal de la capitale tous les jours, cela acheva mon exaspération. Weronika, Edyta, Seb et moi décidâmes donc de quitter ce tumulte pour un séjour de farniente sur la côte adriatique en Croatie.

Ah, le parc de Plitvice, Dubrovnik, l’île de Mljet… Après 6 mois d’exclusion de l’équipe, 6 mois de tension intérieur, je pouvais enfin être heureux. Bodnar me transmit par mail mon programme de course pour les prochaines semaines. Excité par cette perspective, je me montrais un peu trop entreprenant avec la pauvre Edyta, qui, gentiment, se laissa charmer par mon énergie. J’eus droit, pendant ces vacances à deux couples, à davantage qu’un simple baiser. Des vacances délicieuses…

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L’un des plus beaux cadeaux de notre mère nature
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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message26 Sep 2014, 09:12

Journal intime de Seweryn Szymaszek

8 août 2013
Effort et frémissement


A peine franchie la ligne d’arrivée de la Subida a Urkiola, je m’écroulai au sol, le souffle court. Les médecins et organisateurs autour de moi m’étouffaient de leur sollicitude. Non, je ne venais pas de remporter la course après une échappée solitaire de 100km, non, je finissai bon dernier à près d’une heure du vainqueur, pourchassé par la voiture balai depuis la mi-course... Le hors-délai m’indifférait, je me refusais à l’abandon, pas maintenant que je n’avais aucune raison de le faire, pourtant cette petite victoire ne vint pas me rassurer sur mon état de forme. Je me rendis compte que mon inactivité durait depuis près de 2 mois, car, au retour de notre pelrinage franco-belge, s’étaient succédés inquiétude, stress, attente puis vacances. Bodnar, notre nouveau manager officieux par intérim, m’avait averti : « Un retour à la compétition avec une condition physique convenable demande du temps, Sew. C’est bien que tu sois à nouveau prêt mentalement, mais ça ne suffit pas pour peser sur une course ». Assis appuyé contre une barrière, sur le bas-côté et observant hagard le va-et-vient du personnel technique plier le matériel, je venais de le comprendre.

Mon entrainement en compagnie de Vlad et sa chère Hilda avait repris, désormais au rythme d’un jour sur 2. En effet ces séances de torture sur pavés s’enchainaient le lendemain par une sortie entre bisons, ce retour parmi mes pairs me fit un drôle d’effet : je n’étais plus seul dans mon coin, mais à nouveau un membre de l’équipe, c’était une agréable sensation car, je le savais, le collectif me rendait plus fort.

Maciej Bodnar m’avait transmis le calendrier de mes prochaines courses : Paris-Corrèze, Tour de l’Ain, Rothaus Regio-Tour, Coppa Agostini, avec pour objectifs de me rehabituer aux mouvements du peloton, d’épauler le leader bison désigné, de chercher les bidons, de rouler sur les échappées si nécessaire, etc. Il faut dire que l’ensemble de l’équipe Zubrowka était mobilisée à 100%. En pleine tempête médiatique, Marczynski avait remporté la Prueba Villafranca de Ordizia et le Circuito de Getxo dans le Pays basque espagnol à la fin du mois de juillet, puis prit la 2ème place au général du Tour de Saxe. Par la suite, Bodnar monta sur la boîte du Tour du Danemark début août, après avoir remporté le CLM lors de la 3ème étape. Enfin, cerise sur le gâteau, Marczynski leva les bras au terme de la 6ème étape du Tour de Pologne, arrivée à Varsovie, à quelques dizaines de mètres de notre siège sportif (l’organisateur nous avait donné une wild-card). La photo de Tomasz, le doigt et le regard triste vers le ciel en hommage à son père, fit la une des quotidiens nationaux ; Li Mei et la firme tenaient là le point de départ d’une image à reconquérir auprès du public et des médias. Je reparlerai prochainement de leur idée stupide.

Avec sa position de 2ème du classement Continental, la montée de Zubrowka vers le ProTour semble envisageable, il nous faudra impérativement tenir cette place jusqu’à la fin de la saison, à la mi-octobre. Mon rêve de courir le Tour des Flandres pourra-t-il se réaliser dès l’année prochaine ? Rien qu’à l’idée, j’en frémis.

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Un vieux quotidien sportif polonais célèbre Henryk Charucki, vainqueur du Tour de Pologne en 1979
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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message29 Sep 2014, 13:29

Journal intime de Seweryn Szymaszek

15 août 2013
Les meilleurs leçons du manager LeRat


En hommage à l’immense et corpulent feu manager de Zubrowka, j’ai décidé de coucher sur papier les meilleurs conseils technico-philosophiques de M. LeRat.

Leçon # 7 : “ Have fun ! ”

2ème étape vallonnée du Tour de l’Ain, 15km de l’arrivée, Tomasz Marczynski et moi nous situions à quelques longueurs de la tête du peloton, de nombreuses attaques excitaient les leaders au pied de la dernière bosse. Le mien me poussa soudain légèrement de la main, c’était le signe que j’attendais. Il se cala dans ma roue, je poussais progressivement mon moteur jusqu’à son maximum, mes cuisses brûlaient, je serrais les dents et atteignais le sommet de la côte en tête. Sur ce replat, Tomasz me cria : « Go go go ! », je jettai ainsi les dernières miettes d’énergie dans un sprint poussif. Marczynski me doubla aisément et disparut seul dans la descente, poursuivi par des adversaires qui ne le rattrapèrent guère…

A l’arrivée, alors qu’il repondit à mes félicitations par une étreinte chaleureuse, une image resta gravée dans mon esprit : l’homme qui m’avait dépassé au sommet de la côte souriait à pleines dents. Malgré la souffrance, il semblait s’amuser !

Le lendemain, intrigué, j’observais Tomasz et sa tunique de leader. Il jettait des coups d’œil réguliers à ses adversaires directs et semblait presque s’ennuyer. Tout à coup, lorsque Pierre Rolland l’attaqua dans la descente d’un col, il esquissa un sourire entendu, du genre : « Bien joué, mec ! Enfin un peu d’action ! ». Le leader de l’équipe Europcar rejoignit un co-équipier placé dans l’échappée du jour, il prit bientôt plus de 2mn d’avance malgré l’effort des bisons pour étirer le peloton. A 1km du sommet de l’avant-dernier col, plusieurs adversaires attaquèrent à leur tour, alors que notre équipe semblait cramée. Je regardais Marczynski à moitié paniqué par ce scénario catastrophe, il me dévisagea deux secondes, puis éclata de rire : « Allons Sew ! keep cool, it’s just a game ! ». Lorsque nous basculions dans la descente, il me déclara avec gravité : « Tout repose sur toi maintenant, Sew. Si tu veux que je gagne, rattrape ces foutus pédales ! A toi de faire basculer la course dans notre équipe ! Fonce Sew ! Go go go ! ». Choqué et enflammé par ces paroles, je me rappelai soudain que le sang du manager LeRat coulait bien dans les veines de mon leader. Remotivé à bloc par le regard confiant de Tomasz, je me portai en tête du peloton pour accomplir la descente de ma vie, suivie d’un CLM de tueur sur les 15kms de vallée, précédant la montée finale.

Au soir, Marczynski avait conservé son leadership, ne perdant qu’une quinzaine de secondes sur son dauphin. Pendant la course, il avait deviné que j’avais de meilleurs jambes que mes camarades, il connaissait également mon sens du sacrifice et s’en était servi à merveille. Il avait laissé ses adversaires s’épuiser dans la descente et la vallée, puis les a cueilli dans le final. Finement joué !

Sur le point de fermer les volets de ma chambre, je le surpris, sur le balcon voisin, dans une contemplation silencieuse de la lune. Je l’imitai, puis après une minute, je ne pus contenir ma curiosité : « Comment tu as pu éclater de rire pendant la course ? c’était pas drôle, on était en train de perdre !... ». Sans quitter la lune du regard, il admit : « C’est vrai. Et on aurait pu la perdre… mais tu étais là… », dit-il en me souriant. « J’ai rigolé parce que ton regard panique était d’un comique ! », il ajouta un bref « pardon », connaissant ma haute sensiblerie. Puis plus distant, il ajouta « Lorsque je me suis engagé dans le vélo, j’étais très… sérieux. Parfois colérique pour des broutilles. Mon père me répétait sans cesse Keep cool, it’s just a game. J’ai fini par comprendre. » Devant mon regard interrogateur, il compléta : « J’ai fini par comprendre que le vélo, ce n’est pas qu’une accumulation de souffrance, ce n’est pas qu’un sport de maso. C’est aussi plonger dans un passionnant jeu d’échec, composer une stratégie d’équipe, s’adapter aux situations, savoir trouver le ressort de la motivation chez ses propres équipiers… C’est ce qui m’éclate dans mon sport ! Have fun, me disait mon père. Aussi, même dans le feu de l’action, je n’oublie pas qu’au fond, ce n’est qu’un jeu. Ça me permet de m’enlever toute la pression, de jouer le coup à fond et d’accepter la défaite, si elle doit arriver. Tu comprends maintenant ? »

Après une minute à regarder la lune, je souris à mon camarade : « Oui, c’est vrai qu’on s’est bien marré aujourd’hui ! »

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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message06 Oct 2014, 08:33

Journal intime de Seweryn Szymaszek

22 août 2013
L’avenir devant soi


A l’issue du Tour de l’Ain remporté par Tomasz Marczynski, l’équipe s’apprêtait à se rendre en Allemagne pour une course à étape de faible importance. Alors que je grimpais dans le mini-bus, Maciej Bodnar, le téléphone à l’oreille, me barra le passage, il parlait à son interlocuteur tout en me regardant : « T’es sûr, Sew est sélectionné lui aussi ? t’as vu le communiqué ? tu m’envoies le lien ? Bon, tu viens à Lyon avec le reste de la sélection, c’est ça ? Ok, je te laisse Sew dans la cambrousse, tu te débrouilles avec lui pour le retrouver, ça ira ? A+ ». Son odieuse conversation s’acheva. Malgré mon regard insistant, il sortit en silence, decrocha un vélo et posa ma valise à mes pieds. L’ensemble de l’équipe assistait à l’étrange scène avec avidité depuis l’intérieur. Maciej remonta, s’assit sur le siège du conducteur et, pendant qu’il ajusta sa casquette de chauffeur de mini-bus, il me sourit : « Je ne sais pas ce que tu leur as fait, mais la fédé t’a sélectionné pour le Tour de l’Avenir, Sebastian aussi. L’épreuve commence vers Lyon dans quelques jours, Lenco va t’appeler pour te récupérer, en attendant, tu peux rester au vert dans le coin. Bon courage, le goth ! ». Alors que Maciej posa ses lunettes de soleil sur son nez, la porte se referma avec souplesse, mes camarades bisons me faisaient des grimaces en gesticulant sans honte, « Ouais, on s’en ait débarrassé ! on va enfin pouvoir se marrer ! Yeahhhh !! ».

Le nuage de poussière dégagé par le robuste mini-bus m’envahissait, j’étais seul et immobile au milieu d’un parking dans un pays perdu, entouré d’une simple valise et de mon vélo. Tout à coup, revenant à la réalité, j’exultai et dansai de joie. Quelques français me croisèrent à cet instant, ils durent me prendre pour un malade mental, et pour une fois, j’en m’en fichai.

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Le Tour de l’Avenir est aujourd'hui considéré comme un Tour de France pour jeunes (U23), regroupés en équipes nationales.
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Némo

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message07 Oct 2014, 00:26

C'est super pour Seweryn et Seb ça 8) Espérons qu'ils y fassent de bons résultats sur ce Tour de l'Avenir :D
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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message20 Oct 2014, 16:10

Journal intime de Seweryn Szymaszek

9 septembre 2013
L’évaluation


Maciej Bodnar avait brillé au Rothaus Regio-Tour, remportant le CLM et finissant à la 2ème place au général. On ne pouvait pas en dire de même pour Seb et moi au Tour de l’Avenir. La concurrence était féroce et préparée, pas nous. Malgré l’ambiance sympa dans l’équipe polonaise, nous n’avions finalement pas pesé…

De retour à Varsovie, Li Mei me contacta par mail afin de fixer un entretien. Il avait pour objet de faire un point sur mon contrat chez Zubrowka, prenant fin le 31 octobre prochain. Sebastian m’avait déjà prévenu : « Purée, c’est trop chaud, elle te pose des questions sur ta motivation, elle fait un bilan de l’année, elle évalue ta progression et ton intégration dans l’équipe, elle coche des cases sur une feuille, c’est super flippant. » Grâce à plusieurs bonnes prestations dont son Top10 au GP CTT Correios de Portugal, son contrat avait été reconduit pour 2 ans supplémentaires. Mais moi, je n’avais absolument aucun résultat à me mettre sous la dent…

La veille de mon entretien, ma sœur Weronika et ma copine Edyta franchirent le pallier et envahissèrent notre appartement en quête d’un costume. « Il est hors de question que tu te rendes à ce rendez-vous sans un minimum de sérieux, ça montre que tu es motivé, alors habille toi convenablement ! ». Dépitées devant notre garde-robe à Seb et moi, elles nous tirèrent comme des mal-propres dans les rues commerçantes de Varsovie. Après un shopping interminable, j’étais habillé comme un banquier en quête de promotion. Le coup de pression monumental dans ma face !

Le lendemain matin, j’entrais au quartier général de l’équipe, habillé de mon costume sérré, rasé, sans mes tatouages et piercings, j’essayais de me faire le plus petit possible, et bizarrement, personne ne semblait faire attention à moi. Li Mei se trouvait dans son bureau, en discussion avec Piotr Zuelinski, notre sprinter ; je m’assis donc dans un fauteuil d’attente, j’entendis notre administratrice élever la voix sur mon camarade, le verre d’eau tremblait légèrement dans ma main. Piotr sortit du bureau avec un air piteux. Li Mei regarda dans le couloir où je me trouvais, souffla avec exaspération puis retourna à sa paperasserie. Quelques minutes plus tard, elle ressortit dans le couloir, regarda autour d’elle, puis cria à vau-l’eau : « Quelqu’un a vu Szymaszek ?! il est où bon sang ! je n’ai pas que ça à foutre !! ». Alors que plusieurs « non » revenaient en écho, je me levai. Li Mei me dévisagea : « Bon, et vous êtes qui, vous ? ». « Euh, bah c’est moi, Seweryn… », murmurais-je. Après une seconde la bouche bée, je ne parvins pas à déchiffrer l’expression de l’administratrice, quelque chose entre le fou rire contenu et l’incompréhension totale. Elle m’invita dans son bureau, alors que se propageait, chez mes camarades présents dans le QG, une onde de moqueries à mon sujet. Li Mei tourna les stores afin de cacher les smarts phones qui me photographiaient avec avidité, elle s’assit sur son fauteuil, hésita à parler, puis lança : « Ecoute Seweryn, est-ce que tu peux au moins enlever ta cravatte ? parce que là, je ne vais pas y arriver sinon… »

Sans la corde autour du cou, je me sentais plus vivant et écoutais Li Mei.
« - Seweryn, je ne vais pas te parler de notre nouvelle stratégie aujourd’hui, nous l’évoquerons prochainement en assemblée générale. Ce matin, nous allons parler de ton avenir chez les bisons. (silence) Alors ça va ? comment tu te sens dans l’équipe ?
- Euh, bien, je me sens bien… J’apprends doucement, j’ai connu une période un peu difficile au printemps, mais là, ça va mieux, j’ai aidé Tomasz à gagner le Tour de l’Ain, c’était bien… j’espère pouvoir faire de même pour Mateusz pour la fin de la saison…
- Mmh… Tu ne t’en souviens peut-être pas, mais à l’époque, lorsque le manager LeRat t’a embauché, il avait conditionné le renouvellement de ton contrat à une victoire. Est-ce que tu l’as, cette victoire ?
- Non.
- En effet. (silence) Mais rassure toi, le coach mettait la barre très haut pour motiver les jeunes, mais il ne respectait jamais strictement cette condition. En revanche, il faut un minimum de résultats pour poursuivre l’aventure, par exemple un Top 10. Est-ce que tu as un Top 10 ?
- Non.
- En effet. Donc au niveau sportif, c’est insuffisant (elle coche une croix sur la feuille devant elle). Parlons maintenant de ton intégration dans l’équipe. Qu’en dirais-tu ?
- Euh… ça… va… je crois… il y a bien quelques mauvaises blagues parfois…
- Aussi invraissemblable que cela puisse paraitre, mais après discussion avec nos leaders, Tomasz Marczynski, Maciej Bodnar et Mateusz Kemar sont tous d’accord pour reconnaitre ton rôle fédérateur au sein de l’équipe. Si si, j’ai bien dis fédérateur. Apparemment tu es parti de très bas, mais tu apprends vite et bien. Tomasz et Maciej en particulier ont insisté sur ton sens du collectif, ton esprit de sacrifice qui feraient de toi –je cite- un « équipier idéal ». Qu’en penses-tu ?
- Euh… je…
- Bon, je vois que cela t’inspire… Au niveau de l’intégration, ça va (elle coche encore). Il me faut quand même une preuve de tes capacités sportives, je te demanderais donc un Top 10 d’ici la fin d’année, c’est compris ?... »

En mon fort intérieur, j’estimais cet objectif impossible à respecter. Un mois environ pour faire un Top 10, alors que je n’ai jamais fait le moindre Top 20… Constatant mon désarroi intérieur, sa voix se fit plus douce et plus proche : « Ecoute-moi Seweryn. Maciej, Tomasz et moi savons pourquoi tu a été exclu de l’équipe au printemps, nous connnaissons les grandes lignes, tu as failli coulé l’équipe et ma carrière en révélant la vérité, mais tu nous as aussi sauvé. C’était un mal nécessaire et nous te devons beaucoup. Je ne devrais pas te le dire mais nous ne l’oublierons pas en octobre. Tu comprends ? ». Rassuré par cette déclaration, un sentiment de honte envahit peu à peu mon cœur. On me prolongeait pour des raisons sentimentales et non pour des raisons sportives, ça la foutait mal pour un sportif ! Je relevais la tête et durcissais mon regard : « Non, je ne comprends pas, Li Mei. Tout ce que je comprends, c’est que je dois faire un Top 10 et je le ferai ! ». Je me levais et quittais le bureau. Li Mei sourit en cochant une case sur ma feuille d’évaluation.

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LeRat

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Re: [Żubrówka] Le journal intime d’un néo-pro

Message05 Déc 2014, 10:32

Journal intime de Seweryn Szymaszek

20 septembre 2013
L’idée stupide


8h27 : Je descends avec Seb prendre mon petit-déjeuner, mon chien de garde m’épie encore et toujours, nous l’avons baptisé Fafa, il rejoint notre table sans un bonjour.
8h51 : Il m’accompagne dans ma chambre, il n’a pas demandé la moindre autorisation, je peux me brosser les dents tranquille ?
9h03 : Maciej nous fait un briefing rapide du GP de Wallonie, je vise le Top 10 et sais que je n’ai aucune chance, les gars sont sympas, ils vont m’aider, Fafa note l’information dans son carnet.
9h32 : De retour dans la chambre, pudique, je m’habille dans la salle de bain pour éviter le regard indiscret du chien.
9h47 : Je prends mon vélo près du mini-bus, Fafa me pose quelques questions fades et note mes réponses.
10h15 : Départ de la course, ouf, ça fait du bien de se débarrasser de cette plaie.
10h29 : J’accompagne une attaque pour me placer dans l’échappée du jour, je sais pertinement que la montée finale vers la citadelle de Namur n’est pas à mon avantage face aux punchers.
11h31 : Placé dans l’échappée, je m’aperçois que Fafa me suit sur une moto, il me photographie et épie le moindre de mes gestes, bon sang ! ce n’est pas un chien, c’est un pou !
14h03 : Fafa se place à mes côtés et ose m’interroger sur le retour du peloton, « Oui, les BMC roulent pour Gilbert, c’est normal… » Et sinon, ma main, tu la veux dans ta gueule ?
14h50 : Alors que le peloton fond sur l’échappée, Fafa me propose d’attaquer en profitant de son aspiration opportune… en toute innocence… je ne le regarde même pas…
14h52 : Le peloton nous a reprit, cela me réjouit presque…
15h18 : On attaque la citadelle, je suis cuit et indique à Seb de ne pas m’attendre.
15h29 : Jan Bakelants remporte la course, juste devant Mateusz Kemar, qui a su jouer à merveille sa carte personnelle.
15h35 : Fafa m’attend sur la ligne d’arrivée, il demande mes impressions sur la course. Pour clore l’entrevue, je lui réponds que la journée a été longue. Il parvient à se faufiler dans notre mini-bus et s’assoit à mes côtés, la journée va vraiment être longue…
15h42 : Maciej Bodnar félicite Mateusz Kemar pour son beau podium, « même si le ProTour n’est plus notre objectif désormais… Comme tu le sais, notre cote de popularité ne nous permet pas d’embaucher des stars ! C’est aussi pour cela que Rafal Janik suit Seweryn, nous avons besoin d’une meilleure image, c’est l’opération Reconquête des cœurs ! Oui, c’est un peu gerbant, mais c’est cette politique que l’équipe a voté en AG. »
16h51 : Séance massage à l’hôtel, Fafa est toujours à mes côtés, « Sew, tu vois, les gens ont besoin de story-telling, ils ont besoin d’un vrai personnage attachant pour accrocher une histoire, c’est toi le héros du récit ! Mais j’ai besoin que tu m’en dises un peu plus pour construire mon histoire, ton enfance, ton adolescence, tes amours, ton arrivée dans le vélo, tes rencontres, tes idoles, je dois te connaitre de A à Z ! Allez, parle-moi de tes parents… ». Je soupire et rêve de me trouver loin, très loin d’ici.
17h02 : J’achève de raconter ma vie de A à Z, Fafa semble dubitatif : « Oui bon, j’espère que cela ne te dérangera pas, mais comme je te l’ai dis, les gens ont besoin d’un story-telling accrocheur, et là… euh… Donc si ça t’embête pas trop, je vais arranger un peu le background, rien de bien méchant, juste de la mise en forme par-ci par-là, ok ? ». Fais ce que tu veux, tant que tu me laisses respirer…
18h12 : Dîner entre bisons, un bonnne grosse platrée de pâtes, miam ! Fafa me laisse enfin tranquille, il interroge tour à tour mes co-équipiers. Lorsque vient l'entrevue de Sebastian, je les vois glousser en me regardant, le chien-pou journaliste note des informations à connotation humoristique sur son carnet, je baisse le menton vers mon plat pour ne pas leur offrir mon visage rougi de colère.
19h33 : Petite promenade dans la cité calme avec mes camarades
20h08 : Il pleut, nous rentrons en courrant, Fafa glisse sur une flaque et s’explose le menton en tombant sur les pavés. Malgré sa blessure, je ne peux m’empêcher de sourire en constatant son carnet dans la boue, complètement foutu.
21h32 : Soigné et remis d’aplomb, Fafa revient me voir d’un air désolé. « Ecoute Sew, je suis désolé, je sais que la ‘chronique du néo-pro’ te tenait à cœur, il va falloir qu’on recommence depuis le début, j’ai tout perdu dans ma chute. D’un autre côté, ça nous permettra de profiter davantage l’un de l’autre ! ». J’essuie une larme et haït intérieurement Li Mei, l’auteur de cette stupide idée.

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