source: velochrono
Armstrong, l’insupportable 
En 2004, Lance Armstrong entrait dans la légende. Le Texan remportait son sixième Tour de France et effaçait donc les performances de Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain. Un Américain battait tous les records d’un sport dont le foyer est européen : une révolution. À l’heure de rallier Paris, maillot jaune sur le dos, le Boss était pourtant loin de faire l’unanimité. Depuis son avènement de 1999, le public est partagé à son égard, et les observateurs circonspects. Et certains adversaires ne peuvent plus le voir en peinture.
Armstrong à deux jours du coup de six
Annemasse. C’est le matin de la dernière étape en ligne avant le chrono bisontin, ultime rendez-vous clé de cette 91e grande boucle. Le tracé n’est pas plat du tout, mais les leaders savent qu’il ne sera pas possible de s’escrimer sur la route qui mène à Lons-le-Saunier. Cette journée, elle est pour les baroudeurs, à n’en point douter. Lance Armstrong, futur vainqueur « sauf incident », vient de gagner trois jours de suite. La veille, il s’est montré impitoyable face à Andreas Klöden, mais qu’importe ? Le coéquipier de l’Allemand, Jan Ullrich, fait la conversation au texan durant les premières bornes, sourire aux lèvres. « LA » va 48 heures plus tard devenir l’homme le plus titré de la course, et c’est tout un peloton, au moment de quitter les Alpes, qui semble partager son bonheur.
Ça, c’est en facade. Ils sont nombreux, en fait, à attendre avidement que le Texan s’en aille. À espérer qu’il décide d’en arrêter là. D’autres seront partis avant lui, comme Christophe Bassons, parangon de propreté qui abandonne le Tour de France 1999, montré du doigt pour ses positions par un groupe de coureurs, en pôle position duquel Lance Armstrong. Ils sont ainsi quelques uns, dans le peloton, à avoir de l’aversion pour l’Américain. Parce qu’il gagne trop, parce qu’il est arrogant, parce qu’il n’y en a que pour lui. Ou parce que c’est réciproque. C’est le cas de Filippo Simeoni. Les deux hommes ont le même âge et surtout, ils ont travaillé avec le Docteur Ferrari. Un point commun qui pose problème.
Simeoni, l’ennemi intime
En février 2002, l’Italien est auditionné à Bologne, au sujet de Michele Ferrari, accusé de fraude et d’exercice illégal de la profession de pharmacien. Il confie qu’il se dope depuis près de 10 ans et affirme que l’intéressé lui a fourni de l’EPO et des hormones de croissance en 1996. Sa relation avec le médecin s’était stoppée quand son équipe Carrera a décidé d’arrêter de financer celle-ci. Voilà la version de Filippo Simeoni. Son témoignage. À plusieurs reprises, Lance Armstrong, proche de Ferrari, l’aura ensuite qualifié de menteur dans la presse. Le Lombard décide de riposter en portant plainte pour diffamation contre le Texan. Un an plus tard, le duo se reforme sur les routes du Tour de France. Des retrouvailles qui sentent le souffre.
Le 23 juillet 2004, Filippo Simeoni fait donc partie de ceux qui ne glisseront pas un « good job » à l’oreille de l’ancien champion du monde. Bien que double vainqueur d’étape sur les routes de la Vuelta, c’est un anonyme du peloton, l’un des quatre rescapés de l’équipe Domina Vacanze, présente sur le Tour de France avant tout grâce à Mario Cipollini. Et si pour lui, terminer la course est déjà une victoire, il reste un objectif tout autant à sa portée : profiter de cette étape de transition pour faire partie de l’échappée, qui ce jour-là a bien des chances de ne pas faire que passer à la télévision. Depuis plus de deux semaines, le transalpin ronge son frein et sait que l’occasion peut être venue de se mettre en lumière. Ses différents avec le maillot jaune ne sont alors pas sensés importer dans cette affaire. Il est surtout question d’audace, de courage, de chance.
Privé de gloire sur le Tour 2004, puis sur le Giro 2009
Inspiré, le voilà qui flaire le bon coup. Ils sont sept à filer en douce et Filippo Simeoni accroche les roues. C’est la bonne, croit-il. Un coup d’oeil à gauche, le champ est libre. À droite ? Impensable. Lance Armstrong le suit à la trace. Il comprend tout de suite ce qui se passe : le maillot jaune l’accompagne pour qu’il soit contraint de quitter l’échappée. Ce sont donc des représailles. Immédiatement, et malgré plus de deux minutes d’avance, Simeoni coupe son effort, dépité. Le Texan vient à sa hauteur : le temps d’une tape dans le dos, loin d’être amicale, le peloton va revenir sur eux. Un moment complètement surréaliste. Une intimidation en direct, devant les cameras du monde entier. « Armstrong a montré à tout le monde quel personnage il était, déclare Simeoni après l’arrivée. J’ai subi une grande injustice de sa part : ça a sauté aux yeux de tout le monde. Il ne donne pas la moindre chance à de petits coureurs comme moi, qui ne cherchent qu’un moment de gloire sur une course aussi importante que le Tour de France. »
« Armstrong a endommagé ma carrière », confiera-t-il quatre ans plus tard à La Stampa, croyant alors en avoir fini avec le loustic de Plano. Mais en 2009, « LA » sort de sa retraite et revient aux affaires. Filippo Simeoni est alors champion d’Italie, et croise les doigts pour que sa formation Ceramica Flaminia soit invitée sur le Tour d’Italie. Son organisateur Angelo Zomegnan, pourtant attaché à ce que chaque année, le porteur du maillot tricolore soit présent au départ, ne lui délivre pas le sésame. Dévasté, qualifiant les arguments du patron de la course « d’excuses invraisemblables », il lâchera à As qu’à son sens, son ennemi a influé sur cette décision. Armstrong avait inscrit le Giro à son programme et pour Simeoni, c’était clair : « Il ne voulait pas me voir là. » Si en matière d’intégrité vis-à-vis du code antidopage, le coureur de l’US Postal a souvent divisé les foules, rares ont dû être les observateurs à penser qu’avec Filippo Simoni, il avait été le plus « classe » des hommes.
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