Dans les coulisses de HTC 2011Bob Stapleton : « L’heure est grave… cette nouvelle saison, fini de rigoler…”
Moi : « Parce qu’on s’est amusé la saison dernière ? Entre le conflit Cavendish-Greipel, le travail acharné toute la saison de l’équipe pour nos sprinters, les bagarres pour faire des places sur tous les grands tours, je n’ai pas le souvenir d’une franche partie de rigolade… »
Bob : « Certes, mais ce n’est pas ce que je voulais dire. On a perdu un de nos grands sponsors, Columbia, et on n’a pas pu le remplacer… du coup, on a été un peu juste pour les transferts… »
Moi : « Ouais, j’ai remarqué… Degenkolb, Alex Rasmussen, Smukulis, Pate, Brammeier, Caleb Fairly à la place de Greipel, Rogers, Monfort, Hansen, Sieberg, Saramotins, Guldhammer, Reynes, Dockx, c’est sûr qu’on n’a pas gagné au change, en quantité comme en… qualité…»
Bob : « Je sais bien… l’année prochaine, tu t’occuperas des transferts, mais cette année, ça a été compliqué, et c’est vrai que j’ai encore misé sur des jeunes prometteurs – à part Danny Pate – pas des valeures sûres. Mais ce n’est pas ça, le principal problème. C’est plutôt la Garmin qui s’est considérablement renforcée avec la fusion Garmin-Cervélo, et ne cache pas son ambition d’être
la n°1 partout. Sans parler de l’équipe des frères Schleck qui fait figure d’épouvantail. Sur le papier, ils sont meilleurs que nous, et pourtant, nous devons impérativement continuer d’être l’équipe n°1 au monde, il en va de la survie de l’équipe. Car on a vite fait de disparaître dans le vélo, un sponsor part, le budget baisse, on perd de bons coureurs, les résultats s’en ressentent, les sponsors sont moins intéressés par une équipe qui semble sur le déclin, et on se retrouve à devoir mettre la clé sous la porte. »
Moi : « Tu crois pas que tu dramatises un peu ? On n’en est pas encore là… »
Bob : « Oui, mais ça peut arriver à n’importe quelle équipe. Regarde, Riis, son équipe a beau être une des toutes meilleures de ces 10 dernières années, il s’en est fallu de peu pour qu’il se retrouve dans une situation catastrophique : le sponsor principal s’en va, ses meilleurs coureurs annoncent en milieu d’année qu’ils le quittent… si Contador avait choisi de rester chez Astana comme c’était initialement prévu, il aurait été vraiment mal. Imagine que Cavendish parte chez Sky qui lui fait les yeux doux depuis le début, qu’une équipe australienne se forme – Pegasus a échoué cette année, mais il y a toujours un projet en cours – et que Goss et Renshaw la rejoigne… on pourrait très vite se retrouver en grand danger. »
Moi : « Effectivement… »
Bob : « Voilà pourquoi il faut impérativement, cette année, qu’on garde le même niveau, qu’on prouve que le départ de quelques-uns de nos leaders ne nous affaiblit pas. La Garmin a peut-être un effectif impressionnant, pas question qu’elle rafle tout et domine la saison pendant que HTC reste dans l’ombre… Elle veut être numéro 1 partout, c’est nous qui le serons… »
Moi : « Quoi ? Tu veux qu’on remporte le Giro, le tour et la Vuelta ??? »
Bob : « Non, bien sûr, c’est façon de parler. Ce que je veux dire, c’est qu’on doit être présent et redoutable sur tous les terrains, sur les classiques comme sur les grands tours. HTC ne doit pas devenir l’équipe que l’on voit juste briller dans les sprints du Tour de France avec Cavendish, et qui est à la traîne loin derrière Garmin partout ailleurs. Il faut que nous restions l’équipe américaine n°1, mais aussi l’équipe n°1 au monde, c’est vital. Des équipes qui s’améliorent, on en connaît tous. Mais parmi les équipes qui baissent de niveau, qui ont des résultats de moins en moins bons, on en connaît peu qui arrivent vraiment à surnager et revenir au top. A partir du moment où tu faiblis, dans le vélo, c’est en général un inéluctable déclin qui s’ensuit, et se termine par l’arrêt de l’équipe… »
Moi : « C’est comme pour les coureurs, rares sont ceux qui déclinent, puis reviennent à leur meilleur niveau… à moins d’avoir rencontré un docteur peu scrupuleux… »
Bob : « Il est hors de question que cela arrive à notre équipe »
Moi : « D’embaucher un docteur peu scrupuleux ? »
Bob : « Non… enfin, si, aussi… d’ailleurs, des affaires de dopages seraient très dommageables, ça compliquerait encore plus notre recherche de sponsors ou le fait que les nôtres augmentent notre budget… mais je parlais bien sûr du déclin de l’équipe, qui ne doit en aucun cas arriver. Voilà pourquoi, cette année, on doit garder le même niveau, au moins, si ce n’est faire encore mieux qu’en 2010. C’est même le signe qu’il faut envoyer : HTC a peut-être perdu quelques leaders, l’équipe prime sur ses individualités, elle a toujours les moyens de dominer le circuit, et de briller partout. On a beaucoup de jeunes, mais ils ont du talent. On ne va pas leur donner un programme très lourd, mais il faut que les courses auxquelles ils participent, ils les fassent à fond. Cette année, je veux voir nos coureurs se battre comme des morts de faim. Il ne faut surtout pas considérer que 2011 est une « année de transition » pour l’équipe, mais bien une lutte pour notre survie au top de la hiérarchie mondiale, et dans le peloton pro. Bon, là, je dois te laisser, j’ai un rendez-vous, mais il faut qu’on se revoie dès demain, que l’on organise ensemble le planning des coureurs de manière à être les plus performants possibles sur toute la saison… »
Moi : « OK, c’est noté, à demain… »