18 Juin 2011, 12:06
S'appuyer sur les chiffres est un peu bancal et difficile pour donner corps à une impression, qui consiste à dire qu'ils courrent avec bien plus d'envie. Si on regarde Europcar sur ce Dauphiné, ils sont méconnaissables. On les a vu prendre la course à leur compte pour aller jouer l'étape aux Gêts, on a vu Kern se battre pour faire une place au général ou Voeckler se montrer offensif dans le final de la Toussuire. On a vu tout ce qu'ils ne faisaient pas avant sur les grandes courses, où ça se résumait à prendre les échappées et ne rien faire d'autre, en caricaturant un peu. C'est plutôt ça que je voulais mettre en avant, ce qui se traduit normalement par des effets bénéfiques sur les résultats et les victoires. On a plus de chance de gagner quand on s'y emploie que lorsqu'on compte sur la chance, même si ça ne marche pas toujours.
Pour revenir au cyclisme français, je pense que c'est une tendance globale. On voit émerger une nouvelle génération de jeunes coureurs (Pinot, Coppel, Offredo, Geniez, Kadri...) qui n'a pas connu Festina. Je ne connais pas leur parcours en détail, mais la plupart s'est certainement mis au vélo après 1998, en étant parfaitement conscients de la situation et des enjeux d'une future carrière pro. Ils savent qu'ils seront plus des outsiders que des champions accomplis, une autre manière d'envisager le métier.
Pour la génération précédente (Chavanel, Voeckler, Pineau, Fédrigo...), c'était certainement plus dur à envisager. Ils sont arrivés dans un moment charnière où le niveau se dégradait. Je n'ai pas d'explications concrètes, mais la France ayant été le premier pays touché par un scandale d'ampleur et donc le premier à réagir, on pourrait supposer qu'ils jouaient moins avec le dopage que les autres. Il leur fallait aussi supporter la comparaison. C'était l'ancienne génération, les pré-Festina (Jalabert, Virenque, Moreau, Brochard, Rous...), qui monopolisait les résultats et les attentes pesant sur la nouvelle étaient fortes. On peut supposer un cercle vicieux, avec complexe d'infériorité, blocage mental et autres choses du genre qui poussent ces coureurs à jouer les figurants et assumer un certain défaitisme.
Je crois qu'aujourd'hui, la situation commence enfin à être mieux gérée sur ce plan. La France a globalement accepté son recul sur la scène internationale et s'est réconciliée avec ses coureurs, leur permettant de vivre leur carrière sans attentes démesurées ou défaitisme à outrance. L'arrivée des jeunes doit insuffler de nouvelles moeurs. Ca se voit aussi certainement au niveau du staff. Puisque je parlais de Saur, sa particularité est d'être dirigée par un DS jeune, Heulot, fraîchement débarqué dans ce métier. Par rapport aux mastodontes des équipes historiques (Bernaudeau, Boyer, Madiot, Legeay...), il n'a pas vécu la dégringolade en tant que DS, ce qui peut lui donner une vision différente dans la manière de diriger son équipe. Il y a aussi certainement d'anciens coureurs de sa génération qui renouvellent progressivement le staff des autres équipes, apportant eux aussi une nouvelle vision car n'ayant pas couru dans les mêmes conditions que les plus anciens.